Voluptatès : suite
Un excellent
repas, en tous points et quoi qu’elle en dirait plus tard, elle ne pourrait
décemment pas en disconvenir.
Tout ce chemin depuis Paris, à peine après avoir
proprement embroché le dénommé Celan qui avait eu la mauvaise idée de montrer
grande impudence au seuil même de la demeure de l’Ordre.
Tout ce chemin vers le Sud, humant un air tiède et fleuri,
pressant le galop de sa folle monture.
Non. Elle ne pourrait en concevoir un regret durable car
malgré sa colère, sa déconvenue et sa chair intouchée, elle avait été invitée
par Asmodée à un merveilleux souper.
Appétissante ?
Faisant mine
d’encaisser une grave offense, il lève les yeux au ciel, prenant à témoin Dieu
sait qui … Mais c’est l’ambroisie !
Même un ventre de vierge découvrant la passion ne pourrait
offrir pareille liqueur.
Fondante avec un rien de fermeté pourtant … en un mot, la
volupté.
Il déguste sa
crème lentement à l’instar de Lolite, pour en goûter la moindre saveur,
emplissant sa bouche, baignant sa langue dans la douceur vanillée du précieux
dessert.
Allez vous terriblement m’en tenir rancune … Une gorgée encore, onctueuse, prête à sa
voix un velouté de circonstance. de n’avoir profité de certains de
vos charmes ?
Son ardente hospitalité n’en est pas le moindre.
Il est certain que non, au fond.
C’est une femme aux appétits féroces, aussi emportés
presque que les siens.
Déjà sa voix s’adoucit sur une inflexion cajoleuse, avide
toujours de conquête.
Elle gardera de ce dîner finalement une impression plus
forte, imprégnée de convoitise et si par un détour fortuit la vie voulait les
remettre en présence, il est fort à parier que ce serait … ce serait … comme …
et bien …
Voyez l’aube …
Il sort de sa
rêverie, certain de la coucher sous lui si d’aventure ils devaient se
rencontrer à nouveau, écartelant ses chairs pour enfin en pénétrer la chaude
douceur.
Pourquoi pas maintenant ?
Non.
Tu en meurs d’envie.
Pas maintenant.
Il s’est gorgé de poularde et de jus tout autant que de
désir et cela est suffisant, pour cette fois.
Il va me falloir vous quitter chère Lolite, et vous
remercier, pour tout.
La pâle
luminosité du petit matin en teintes pastels dessine un lacis d’ombres sur son
masque. Son regard la caresse.
J’ai quelques affaires à traiter, un soupir s’extirpe de ses mâchoires
serrées, à l’ouest.
Mais d’abord je dois rentrer en ma demeure et m’assurer de
mes frères.
Se levant, sans
la quitter des yeux, Asmodée cueille une ultime goutte de crème vanille au bout
d’un doigt qu’il pose délicatement entre ses lèvres entrouvertes.
De la pantagruelle , Veneris se métamorphosait en
aventurière et face à elle, fier et arrogant pointait le Saint Graal.
Majestueux, le trésor convoité se tenait dans toute sa splendeur et veneris
éblouit par tant de magnificience saisit tremblante dans un premier temps
l’objet promis. Sa main s’enroulant sur le calice, en reçu toute la force et la
vitalité et les mains curieuses de tant de force possédée cheminèrent
lentement, apprivoisant pareil trésor. L’homme de nature curieuse, toujours
plus désireux de pouvoir, assoiffé par la connaissance suprême à cet instant
précis invite la pantagruelle à découvrir davantage ses secrets…Gouter à ces
délices, la bouche gourmande boit à cette coupe. Source intarrissable, veneris
s’enivre de cette oasis interdit. L’eau à gout de vin, le miel de cumin, la
canelle de jasmin…Les sens sont décuplés, en sa bouche et ses mains, Veneris
possède le main. Elle le domine et le suprême, féroce elle le dévore avec un
désir non dissimulé…
Boire à cette coupe et de ses mains caresser le plateau
d’argent sur lequel repose le trésor. Ses mains glissent sur le torse de
Bagerand, ses ongles s’incrustent dans la chair et tracent les sillons de
l’amour sauvage qui l’anime en cet instant. L’ogresse le veut en entier, ne
point laisser l’oubli effacer son passage, A jamais son corps et son esprit
devra se rappeler de ce menu improvisé.
Au son de la voix grave et rauque qui s'immisça tout à
coup dans la pénombre intime de la chambre, Fleur ne sursauta pas.... il s'en
fut de peu mais.... elle se retourna et prit de plein fouet le regard féroce de
l'homme qui se tenait devant elle, insolent, indifférent à la scène qu'il avait
interrompu... Son sourire carnassier démentait le ton affable de son propos.
L'éclat métallique de ses yeux fit monter en elle un frisson de crainte... mêlé
de défi.... Il lui était inconnu et pourtant.... Elle s'accrocha à ce regard
glacé.... une éternité... une seconde... un goût de fer dans sa bouche lui
donna la nausée... elle avait mordu sa lèvre jusqu'au sang. Elle ferma les yeux
un bref instant, reprit ses esprits et d'un geste lent essuya sa bouche, sourit
à la vue de ses doigts teintés de rouge et s'approcha de l'homme...
-On vous a envoyé ici? vraiment?...
Elle dessina sur les lèvres de l'inconnu un trait de sang,
doucement, les yeux rivés aux siens et sourit de même, inquiète et aux aguets,
sans savoir pourquoi.
-Vous a-t-on dit que Fleur jouait à tous les jeux? même
les plus interdits?
Elle s'écarta, imperceptiblement. Il émanait de cet homme
un désir étrange... comme dangereux... mais irrépressible.... son coeur se mit
à battre la chamade : elle avait oublié l'autre homme.... Lolite! où es-tu?
Lueur rougeâtre commence à apparaître à travers la
fenêtre, dans quelques heures il ferait grand jour.
L’aube… En effet…
Se rappelle
combien file le temps, lorsque le dîner- aussi dévastateur fut-il- est
apprécié. Elle soupire, observe Asmodée le terrible, le cruel, qui n’aura pas
fait de bouchés d’elle. Qu’importe. Elle aura eu la même saveur sûrement que le
fumet que l’on vole à la hâte, sous une fenêtre ouverte. Et pour un maître de
la gourmandise, sûrement cela valait-il son pesant d’or.
Il se lève, vient caresser ses lèvres de son doigt. Envie…
Non. Sa langue ne bougera pas. Qu’il l’imagine donc faire, cela occupera son
esprit le temps du retours…
Et qui sait, une prochaine fois peut être.
Elle sourit, incline la tête. Parcours des yeux la table,
songe à tout ce repas, son attente de le voir, puis la découverte de
l’un des sept….
Excitation, folie, saveurs et passion.
De quoi laisser en leur mémoire de jolis souvenirs
auxquels ils repenseront lorsque leurs routes se croiseront de nouveau…
Elle se lève, s’approche de lui, un léger sourire aux
lèvres, pour mieux voir ses yeux. Oui. Ils se reverront, elle en était
certaine. Elle se penche davantage, approche ses lèvres du masque blanc, et y
dépose un léger baiser dessus.
Aucune provocation.
Aucun sous-entendu.
L’idée étrange, un tantinet curieuse, qu’il ne devait pas
en recevoir souvent, et qu’à son avis, l’homme froid devait bien le regretter…
Eviter de jouer avec les femmes, envie d’éviter toutes
brûlures, ou au contraire… Les rechercher… Plus violentes, plus vives, lorsque
l’on aime souffrir…
En ce qui concerne la rancune, bien cher Asmodée, ne vous
trompez pas, oui je vous en veux, de ne m’avoir pas prise lorsque mes cuisses
le réclamaient, mais je viendrais chercher compensation un jour ou l’autre…
Elle sourit, se
redresse, pose ses mains sur son ventre, et le regarde intensément:
Mystère vous étiez, mystère vous demeurerez. De quoi attiser
encore ma curiosité…
J’espère en tout cas que le voyage en valait la peine, et
que vous avez appréciez ce repas autant que mes papilles.
Elle se dirige
dans la cuisine, suivit de près par son hôte, et fouillant dans ses placards
fini par sortir un bouteille de vin sanglant.
Une petite merveille. Sûrement l’un de mes préférés…
Puissant…
A savourer…
Une main sur son épaule, tandis qu’elle lui offre la bouteille.
Il ne partirait pas les mains vides à défauts d’autres
choses…. Petit sourire en coin, tandis qu’elle se retourne à nouveau,
contemplant la fenêtre…
Je ne vous conseillerais pas d’être prudent sur la route,
sûrement que les badauds que vous croiserez auront bien plus raison de se
méfier de l’eau qui dort…
Mais j’espère que votre retours se passera sans encombre,
sieur la gourmandise…
Oui, ce repas
ne s’était pas passé comme toute fille de joie se serait attendu, mais il en
avait valu la peine…
Et pour rien au monde, elle ne le regrettait…